Témoignage sur l’inceste. Encore un. Ce n’est pas une mode, c’est un fléau. Je veux briser l’ultime tabou : Les mères aussi peuvent commettre l’inceste.
C'est une belle soirée ordinaire, tranquille et tiède. Je promène mon chien. Les promenades c'est un truc sérieux avec mon chien, on a nos rituels, nos habitudes... C'est un vrai moment de complicité. Parfois, quand il n'y a personne, on court, on fait les fous, je retombe un peu en enfance. C'est sans doute l'une des raison pour lesquelles j'aime autant les chiens. Ils nous apportent la joie avec laquelle on vivait lorsqu'on était enfant.
Bref ce soir là, on se promène, tranquillement. Mon chien fait traîner sa truffe le long des massifs maculés de la pisse des chiens ayant fait (...)
Me revoilà après des mois de silence. Mon but premier à l'ouverture de ce journal était d'écrire tous les jours, de témoigner le plus précisément possible et le plus rapidement possible. Je voulais extraire ce poison une bonne fois pour toute et "passer à autre chose".
Mais voilà, la levée de l'amnésie traumatique m'a permis de retrouver ma vie. J'ai pu penser à autre chose. J'ai pu vivre avec légèreté. Avant, lorsque je ne me souvenais pas, l'inceste était toujours là, indicible mais toujours là. Maintenant je me souviens mais je n'y pense plus vraiment. En tout cas pas (...)
Bon allé. Il est temps que je raconte ce souvenir. J'ai reporté ce moment toute la journée mais je sais qu'il faut que je le fasse, il faut que je raconte. J'ai pris un lexo, j'ai mis ru paul drag race en fond sonore, mon compagnon et mon chien dorment dans la pièce d'à côté, je suis en sécurité. Je vais faire comme quand on enlève un sparadrap, il vaut mieux y aller d'un coup sec, sans trop réfléchir.
Je devais avoir 3 ou 4 ans. Ma mère me faisait la toilette, de la façon si particulière dont j'ai parlé plus tôt. C'était une période ou elle allait mal je pense, elle (...)
Le souvenir de toutes ces nuits où ma mère dormait dans mon lit d'enfant vient parasiter mon quotidien ces derniers jours. Je ne me souviens de rien, ce qui me plonge dans une torpeur sans nom. C'est comme un trou noir. Je me souviens ne pas dormir durant des nuits entières, scrutant la lueur des réverbères baigner le plafond, être à l'affût de chaque son provenant de l'immeuble et de la rue en contrebas. Je me rappelle étouffer, m'étrangler de colère, en silence. Je perçois encore tout cela avec une clarté déconcertante, comme si ce moment existait encore, strictement identique, (...)
Je ne sais pas quand l'inceste a commencé. Sans doute lorsque j'étais bien trop jeune pour me souvenir de quoi que ce soit. Pour moi tout a démarré le jour de ce premier souvenir, durant ma toilette. En quelques instants j'ai eu 100 ans, je n'étais plus une enfant et toute insouciance me serait à jamais inaccessible. Cet instant là a déterminé la trajectoire de toute ma vie. Après, je n'ai plus voulu y penser. ça s'est reproduit. La solution que j'ai trouvé pour vivre malgré tout, c'était de ne pas y penser. Je raconterai ce qui s'est passé ce jour là, mais pas aujourd'hui, (...)
C'est dur d'écrire, de dénouer ce secret. La difficulté réside au delà de la peur de ne pas être crue ou écoutée. Dire ce que l'on a mis tant d'obstination à ignorer est un exercice laborieux. Je veux parler et me guérir, mais je ne veux pas me faire violence. Pour une fois je ne veux pas me faire violence.
Je réalise peu à peu qu'une partie de ma vie m'a été volée. Ce que je ne pouvais voir en face m'a pourtant impacté de façon irréparable. J'ai l'impression de me réveiller d'un coma et de prendre la mesure de la gravité de l'accident qui m'y a conduite, jour après (...)
Je n'ai jamais parlé, jamais raconté. Je suis victime d'une censure tyrannique qui opère au sein même de mon cerveau. Ma mère m'a dressée ainsi. L'éducation qu'elle m'a octroyé avait pour vocation de décrédibiliser ma parole et mes croyances. Elle m'a expliqué dès ma plus tendre enfance que j'étais le genre de personne qui ne sais pas, qui se trompe, qui extrapole, qui se souviens mal.
Il m'a toujours paru étrange, même lorsque j'étais une très jeune enfant, qu'elle ne cesse de rentrer dans des colères tonitruantes en hurlant "mais enfin, ma fille tu es folle, tu (...)
J'ai 36 ans. J'existe depuis le mois dernier. Auparavant je n'existais pas, mon identité perdue dans les limbes du déni. Je souffrais. Je n'étais que honte et haine de moi-même.
J'ai entamé des études de psychologie et une analyse, évidemment. Très tôt. à 21 ans. Ma thérapeute a fini par prononcer certains mots à mon sujet souffrant et divisé. "Hémorragie narcissique", "déni", "amnésie traumatique". Je voulais travailler, je désirais plus que tout extirper ce mal qui me rongeait les tripes. Les larmes ont fini par me rendre muette lors des séances. J'étais condamnée (...)