Un pas après l'autre
Le souvenir de toutes ces nuits où ma mère dormait dans mon lit d’enfant vient parasiter mon quotidien ces derniers jours. Je ne me souviens de rien, ce qui me plonge dans une torpeur sans nom. C’est comme un trou noir. Je me souviens ne pas dormir durant des nuits entières, scrutant la lueur des réverbères baigner le plafond, être à l’affût de chaque son provenant de l’immeuble et de la rue en contrebas. Je me rappelle étouffer, m’étrangler de colère, en silence. Je perçois encore tout cela avec une clarté déconcertante, comme si ce moment existait encore, strictement identique, en suspens depuis plus de 30 ans. Et pourtant impossible de me souvenir de ce qui provoquait en moi cette colère et ce malaise.
C’est sans doute l’une des choses les plus frustrantes que je n’ai jamais eu à vivre : chercher en vain ces souvenirs dont mon esprit me préserve obstinément.
Je ne suis sans doute pas prête. J’ai encore beaucoup de mal à accepter les rares images et sensations auxquelles j’ai accès.
Un pas après l’autre.